Redomestication des porcs férals en Martinique : premiers résultats d’essais en engraissement-finition pour tester la consommation de viande et la perception des consommateurs (24 juillet 2024)

En Martinique, l'élevage porcin traditionnel est un élément fort de l'identité de l'île, lié à son histoire post-esclavagiste et à l'omniprésence des jardins familiaux créoles de subsistance dans lesquels les porcs étaient nourris avec les déchets alimentaires. Cet élevage à petite échelle cohabite depuis des décennies avec la chasse au porc féral réalisée dans les forêts du Nord de la Martinique.

Dans le cadre de sa mission de préservation et de valorisation du patrimoine martiniquais, le Parc Naturel Régional de la Martinique (PNRM) envisage de redomestiquer le porc féral en vue de créer un marché de niche. À cette fin, depuis 2016, des porcs férals sont capturés, redomestiqués par des éleveurs bénévoles et reproduits pour augmenter la population domestique. Des études génétiques antérieures ont montré que les porcs férals capturés sont de type créole et sont similaires aux porcs caribéens locaux.

Les objectifs de la présente étude étaient de (i) mesurer, pour la première fois, les performances des descendants domestiques des porcs férals créoles de la Martinique à partir d’un test à deux stades de l’engraissement, pour une durée de 29 jours chacun, dans deux fermes (A vs. B) avec une alimentation riche en fibres sur un total de 40 porcs; (ii) évaluer la satisfaction des consommateurs à partir d’un test sensoriel réalisé par un panel non formé de 61 consommateurs ayant dégusté du porc créole préparé en fricassée provenant soit de la ferme A, soit de la ferme B ; et (iii) évaluer l'opinion des consommateurs sur la future production de porcs créoles par l’intermédiaire d'une enquête sur leur consentement à payer pour ces produits et leur perception d'un marché de niche.

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Nous avons réalisé une caractérisation des systèmes d’élevage en plein air des deux derniers éleveurs de porcs créoles du PNRM. Dans chaque ferme, deux lots (jeunes et âgés) élevés en plein air ont été constitués à partir des porcs existants. Ces lots présentaient des âges et des poids moyens initiaux respectifs de 420,8 et 598,2 jours ; 46,3 et 58,3 kg pour la ferme A, et de 280 et 439 jours ; 36,6 et 47,9 kg pour la ferme B. Ces différences reflètent les choix des éleveurs en lien avec leur conduite d’élevage ainsi que leurs stratégies d’engraissement et commerciales.

Nos résultats montrent que le gain moyen quotidien (GMQ) des porcs créoles en finition était plus élevé dans l'élevage A que dans l'élevage B (256 vs. 100 g/j, P < 0,001) entraînant un poids de carcasse chaude plus élevé dans l'élevage A que dans l'élevage B (41,3 vs. 33,5 kg, P < 0,01), et un meilleur rendement carcasse chaude dans l'élevage B que dans l'élevage A (74,0 vs. 68,8 %, P < 0,01). Au test sensoriel, les consommateurs ont attribué une note plus élevée à la viande provenant des porcs créoles les plus jeunes (élevage B), notamment pour la tendreté et la jutosité (+0,94 et +0,55 points, P < 0,05 et P= 0,10, respectivement). Les 61 répondants étaient prêts à payer plus cher pour des produits transformés (saucisson, pâté, jambon) que pour de la viande fraîche. Ils considéraient que le porc créole avait un meilleur goût et était de meilleure qualité que les viandes industrielles provenant des types génétiques sélectionnés dominants. Selon la majorité des répondants, le porc créole devrait être riche en gras intramusculaire (100% des répondants) et pauvre en gras dorsal (60% des répondants). D'après l'enquête, les principaux futurs souhaitables pour la production porcine créole martiniquaise correspondent à un système bas carbone avec une alimentation basée sur les ressources locales, avec un abattage à la ferme et une vente directe (à la ferme, chez le boucher ou à la coopérative porcine).

Article :
N. Degras, K. Benony, M. Bructer, B. Bocage, C. Biamba, et al.. Re-domestication of feral pigs in Martinique: first results of growing-finishing trials to test meat consumption and consumers’ perceptions. Tropical Animal Health and Production, 2024, 56 (7), pp.222. ⟨10.1007/s11250-024-04051-6⟩. ⟨hal-04661127⟩